Principes d'an-archie pure et appliquée (mardi, 20 juillet 2010)

 

par Paul Valéry

 

 

Tout mystique est un vase d’anarchie.

Devant Dieu considéré dans le secret de soi, et comme un secret de soi, rien ne tient.

Tout pouvoir est méprisable.

Cependant qu’est-ce que Dieu et qu’est-ce que le pouvoir ?

L’un, est le plus fort absolument (par définition).

L’autre, le plus fort mais pragmatiquement.

Pascal est le type de l’anarchiste et c’est ce que je trouve de mieux en lui.

« Anarchiste » c’est l’observateur qui voit ce qu’il voit et non ce qu’il est d’usage que l’on voie.

Il raisonne là-dessus.

An–archie est la tentative de chacun de refuser toute soumission à l’injonction qui se fonde sur l’invérifiable.

L’individu distingue l’individu dans le précepte ou la doctrine qu’on veut qu’il adopte et qui se revêt de termes dont nul individu n’est capable.

« Sois sûr de ce dont je t’assure et ne suis pas sûr, et ne puis l’être. »

« Fais, obéis, pour le bien général qui est l’idée que j’en ai, moi. »

Toute « politique » se réduit à ceci : celui qui a la force, ou qui est censé l’avoir, peut faire ce qu’il veut.

Et c’est d’ailleurs une Vérité de la Palice.

« Io sono il conte di Boglio / Che facei quello che Voglio »

( ce comte fut pendu par le duc de Savoie qui entendait dire tout seul la même chose).

L’individu se doit de tolérer et de mépriser l’État.

L’État est affaire d’ordre pratique, nécessité pratique, donc de la vie passagère. Rien de la vie éternelle ne le concerne. Il n’y connaît rien. Il en gêne la poursuite et même la contrarie.

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