Avant-dire N° 11 (mardi, 15 mars 2005)

 
POUR l'AMOUR DE MA DAME
ET L'HONNEUR DE LA CHEVALERIE !
 

par David Gattegno

 

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Aign’ donc, cognez ! On s’fout d’la Vie  

et d’la Famill’ qui nous étrille,   

et on s’en fout d’la République    

et des Électeurs alcooliques […].

(Jehan Rictus, Farandole des pauv’s ’tits fan-fans morts.)

 
 
     Nul n’est Poète, s’il n’est Guerrier; et nul Guerrier ne saurait l’être sans que la Muse se fût penchée sur son berceau. Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs, aujourd'hui et à l'heure de notre mort. Amen.
 
      “Vos noms seront voués à l’ombre, votre mémoire au déshonneur”, est-il annoncé dans le vieux chant chouan; et les “hiboux”, rudes œillets au front de Pallas Athénée, de hululer :
“Nous n’avons qu’un honneur au monde, C’est l’honneur de notre Seigneur.” 
 
      Vers la toute fin du siècle stupide, une délégation de la roture sollicita le comte Villiers de l’Isle-Adam. C’était au temps où, pour son économie domestique, le poète devait tremper sa plume dans une encre coupée d’eau, pour moitié. Les opulents roturiers avaient eu vent de son impécuniosité. S’il était catholique et royaliste, nulle fièvre partisane ne l’aveuglait; sans doute, pourrait-il ne pas trop faire de difficulté à prendre une position quelconque là où sa noble prudence l’avait conduit à se tenir sur la réserve. Les ambassadeurs lui présentèrent adroitement un miroir reflétant des subsides inespérés; peut-être l’alouette accepterait-elle d’abîmer le génie de son chant dans le gouffre des querelles insolubles… On attendait de lui qu’il s’engageât, comme soldat, et qu’il polémiquât, pour qu’enfin ses amis devinssent ses adversaires… Drapé dans l’ample dignité d’une robe mitée, cet “homme au rêve habitué” toisait l’abjecte réalité, impassible comme le marbre des tombeaux. Et, comme il attendait encore pour s’exprimer, on en vint, derechef, à la solde, supposant qu’il suffisait, désormais, d’en fixer le terme et le montant pour que l’affaire fût conclue : 
– C’est combien? lui fut-il demandé.
– Depuis notre Seigneur, cela n’a pas changé: c’est trente deniers.         

     Ainsi furent éconduits les aigrefins diplomates.    

       “Être fanatique au point de mourir désespéré”, dit le Hagakuré, livre exaltant le Bushidô (la “Voie du Guerrier”).
     Aujourd’hui, la Guerre est affaire de machine à tuer; et l’on voudrait que la Poésie fût affaire de machine à écrire – conducteur d’engin et dactylographe réunis dans la même révolution culturelle. Et, comme Guerre et Poésie ne sont qu’affaires d’Amour, il faudrait encore que les déduits amoureux fussent à leur tour soumis aux techniques d’immunisation contre les germes de fertilité, et que, ici comme ailleurs, la stérilité l’emportât, et que la vigueur avortât.
     Mais c’est que la Guerre, l’Amour et la Poésie sont les principes mêmes de Vie, de Santé et de Force.Ainsi ravalées au rang d’utilités politiques, sanitaires et sociales, leur voilà attribué le rôle de machine-outil – moyen de production des monnaies d’échange. Il n’y a plus d’étalon monétaire, mais un standard prolétaire. Le denier n’a plus cours, parce que chaque homme a un prix. On consomme de l’homme et, d’après ce qu’il pèse, la cote de l’homme varie, selon qu’il est issu de la machine d’ici ou de celle d’ailleurs.L’unité trébuchante d’un homme est d’ordre fiduciaire, elle dépend du degré de fiction fixé pour le lieu d’émission de la semence de son père…
     S’il existe encore quelques poètes amoureux et guerriers, ceux-là refusent d’être rétribués dans la monnaie de “singe de Dieu”. Ce sont les rônins, les “hommes sur les vagues” du Japon; poètes sans mécène, amoureux sans pucelle, guerriers sans ouvrage, ils n’en savent pas plus que chanter, donner leur cœur et livrer bataille, car telle est leur fonction, assignée de toute mémoire dans l’Ordre et l’Harmonie du Monde.
     Masaki Kobayashi l’a représenté, dans Hara-Kiri: nul employé, nul fonctionnaire, aucun soldat, jamais, ne saura vaincre le Guerrier. Sans doute il n’en mourra pas moins, mais ce ne sera que de ses propre mains, que de ses droiturières mains; et, par la Grâce de Dieu, non sans avoir recouvré les dimensions altières de son exaltation.Et c’est ainsi que, le cœur dilaté par l’Émotion, emporté par la Fureur divine, ivre du nectar de poésie, il fait un grand carnage des “tigres en papier”, des assignats sortis des rotatives humaines, les taillant, les sabrant, les éventrant, les égorgeant dans une orgie épique de son propre sang. Et puis, face au napalm dévastateur des arquebuses, lançant le défi de son invincible vie aux derniers instants de son désespoir fanatique, il plonge la lame, divinement forgée au feu du Soleil, dans son ventre bienheureux – comme tu es belle mon amie…

Enfants! c’est moi qui vous le dis! Et que les hommes plus nombreux que les poux fassent de longues prières.          (Comte de Lautréamont.)

     Les Rônins du présent Occident, ce sont les Chouans de jadis.
     Ô hommes d’autrefois, ô hommes désespérés, ô chantres de la Beauté qui perdez votre vie de misère, bienheureux! Bienheureux! La Vraie Vie, la vie éternelle, en ce moment, vous la gagnez.
Mais comme, ici, nous sommes seulement sur la terre de France, c’est sous l’étendard du chant de sa recouvrance que nous réunirons l’arroi des Guerriers du Seigneur, afin que toutes les Terres retournent à l’universalité des nobles nations qui les firent prospères :
Allons les gars, pour notre Terre,
Tels nos aïeux pour notre Foi,
Reprenons le vieux cri de guerre:
“Vive Dieu, la France et le Roi!”
 
 

 

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