Opera Palas, roman d'Alain Santacreu (dimanche, 29 avril 2018)

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   Ce roman repose sur la distinction faite par Marcel Duchamp entre le monde de l’apparence et celui de l’apparition. Dans Opera Palas, le lieu de l’apparition est le roman. La thématique est donnée par le Grand Verre de Marcel Duchamp (La mariée mise à nu par ses célibataires, même). Les personnages sont apparemment historiques : Marcel Duchamp, Jerzy Grotowski, Karol Wotyla (Jean-Paul II), Raymond Abellio, Jiddhu Krishnamurti, Antonin Artaud, Jean de Cronstadt, etc. Le seul personnage totalement fictif serait peut-être le narrateur (mais est-il vraiment fictif ou est-ce précisément le seul personnage réel ?)

  Le roman semble être une quête de sa propre identité romanesque : qu'elle est sa perspective ? Le dépouillement du je narrateur, à travers une forme d’alchimie sociale (celle que Fulcanelli nomme "Alchimie du verre") est rythmé sur les 27 lettres de l’alephbeth hébraïque. Les grands thèmes se structurent selon le modèle antagoniste des deux panneaux du Grand Verre (Les célibataires et la Mariée). Ainsi en est-il de la thématique du sionisme : le sionisme dialogique de Martin Buber est mis en perspective avec le sionisme autoritaire de Jabotinsky. Autre thème, la Guerre d’Espagne : la révolution sociale anarchiste est mise « en miroir » avec la révolution bolchévique. Le Grand Verre lui-même est mis en perspective avec un tableau de Paolo Uccello intitulé Chasse nocturne. Un des thèmes fondamentaux est la prise de conscience d’un « slavophilisme espagnol », dans la lignée d’Alexis Khomiakov qui, selon le roman, se serait réalisé en Espagne durant la guerre de 1936-39. Cette guerre marque la fin de l’histoire, selon le narrateur qui se réfère à une phrase de George Orwell, véritable pivot-leitmotiv du roman. La perspective romanesque se révèle un parcours initiatique par lequel le lecteur-narrateur s’extrait de la matrice idéologique qui nous enfante. Un roman "philosophique" dans la veine des grandes avant-gardes esthético-politiques du siècle dernier.

Gaëtan Levest (revue Terre blanche, n°7, hiver 2018)

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