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dimanche, 14 avril 2024

"Psychopathologie du totalitarisme" d'Ariane Bilheran

 

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Sommes-nous dans

une dérive totalitaire ?

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Guillaume Basquin

 

 

Telle est la question posée par l’éditeur du livre (Guy Trédaniel) sur le bandeau rouge de couverture du nouvel essai d’Ariane Bilheran, Psychopathologie du totalitarisme. Au fond, pour qui a vécu la crise « Covid-19 » dans sa chair et son esprit, la réponse cingle à chaque page : nous avons coché toutes les cases du processus politique pervers que décrivait la grande philosophe allemande, naturalisée américaine, Hannah Arendt dans son maître-ouvrage Les origines du totalitarisme.

 

Ariane Bilheran est normalienne, philosophe, psychologue, clinicienne et docteur en psychopathologie. Elle a déjà écrit deux livres sur la crise de civilisation que fut le traitement politique du Covid-19 (2021 : Chroniques du totalitarisme et Le débat interdit (coécrit avec Vincent Pavan, mathématicien) ; mais ici, dans ce nouvel opus, elle élargit sa pensée à tout le spectre de la vie en commun, c’est-à-dire au politique même, selon l’étymologie grecque (pólis signifiant « cité », et politikos « l’organisation de la cité »). Pourquoi cela ? Eh bien, nous sommes maintenant nombreux à l’avoir remarqué, il appert qu’il y a un mouvement « international dans son organisation, universel dans sa visée idéologique, planétaire dans ses aspirations politiques » (mots entièrement empruntés à Hannah Arendt) qui a comme « ambition la domination totale » de l’humanité ; et ce mouvement s’appelle le WEF (Forum économique mondial, se réunissant à Davos chaque hiver, depuis maintenant plus de 50 ans), lieu de lobbying forcené dans à peu près tous les domaines de la gouvernance occidentale et s’appuyant sur les désormais fameux cabinets de conseil (le plus célèbre d’entre eux étant McKinsey).

Le « totalitarisme partage avec le despotisme le monopole du pouvoir et son caractère arbitraire fondé sur la peur » ; toutefois il s’en distingue en visant, d’une part la « transformation totale de la société en une masse homogène et dépourvue d’initiative » (on se rappellera le fameux (fumeux) « On peut discuter de tout, sauf des chiffres » de Véran, ministre de la Santé), et dautre part « l’extermination des groupes humains qui sont jugés entraver la réalisation de ce but » (appelés ces dernières années de noms d’oiseaux tels « complotistes », voire « antivax » ou encore « climato-sceptiques » …).

En système totalitaire, « tout doit être subordonné à l’idéologie : la loi est transgressée de façon permanente pour servir les besoins de la cause idéologique » : on l’a vu durant la crise Covid où absolument plus aucun discours dissident et pourtant raisonnable n’était toléré… Il fallait éradiquer un virus (avec le succès qu’on a vu…), « quoi qu’il en coutât » (600 milliards…). Mais il y a plus : ce qui distingue le système totalitaire de la tyrannie, c’est l’emprise totale qu’il prétend avoir sur les corps et les esprits ; sa singularité est « le règne sans partage sur les corps et la vie intime des sujets, le refus catégorique de toute forme d’opposition » et le « règne par la terreur ». Qu’on se rappelle seulement toutes les phrases assassines et autres vidéo-clips entendus et vus durant ce que l’on doit bien nommer la « Terreur sanitaire » : toutes cochèrent absolument toutes les cases de cette définition du totalitarisme empruntée à Hannah Arendt ; toutes eurent pour effet pratique de « changer radicalement tous les rapports sociaux (“distanciation ‘sociale’”), amicaux (plus d’embrassades, de poignées de main… ne parlons même pas du masque…) et même familiaux (pas de réunions à plus de 6 personnes – ce qu’aucun régime totalitaire du XXe siècle, pourtant pas banal en la matière, n’avait réussi à obtenir) ». C’est-à-dire que l’ensemble même de tout le corps social était devenu méconnaissable pour n’importe qui avait gardé un peu de distance critique ; nous avons vécu une époque radicalement (radical=racine) totalitaire, que cela plaise ou non.

 

Le déferlement totalitaire et ses phases

Le totalitarisme est  un système fonctionnant « comme un poison, qui se répand dans la population entière » : c’est un virus très contagieux, celui de la peur ; « méfiance et haine de l’autre » (le non-confiné, soignants et autres travailleurs considérés alors comme « essentiels », le non-masqué, puis le non-vacciné), « s’y propagent, avec des défenses narcissiques pour s’en protéger, notamment la conviction d’être “le bon citoyen” [qu’on se souvienne des selfies pris chez soi masqué par de nombreux internautes, sans parler des photos d’épaules dénudées parce que fraîchement injectées], “celui qui est pur”, apte à sanctionner les “mauvais citoyens”[ceux qui ne respectaient pas le confinement, ou portaient mal le masque], les “impurs” [non-vax] ».

Pour fonctionner, le totalitarisme doit imprégner l’entièreté du corps social, et obtenir la coopération active de tous, par la surveillance active de tous par tous. Voici comment Ariane Bilheran, en s’appuyant sur la pensée des plus pointus commentateurs des totalitarismes passés (ceux du vieux XXe siècle), à savoir les Hannah Arendt, Günther Anders, Viktor Klemperer et Arthur Koestler, caractérise les différentes phases (comme autant de vagues virales) de son déferlement : 1/ la Terreur (avec un T majuscule) qui « fige dans un temps présent sans passé ni futur », et désagrège le « continuum d’expérience » de la communauté en isolant les individus les uns des autres (avec le fameux confinement) ; 2/ la persécution et la mise au pas : « Tactiquement, le pouvoir totalitaire ne persécute pas tout le monde à la fois : il faut persécuter telle ou telle catégorie de population, de façon discrète, sauf lorsqu’il s’agit d’utiliser cette persécution comme une intimidation (faire un exemple) » ; ainsi en a-t-il été du traitement politique des « non-vaccinés » en France, qui furent qualifiés du sommet de l’État de sous-citoyens devant avoir moins de droits (sic) que les autres ; 3/ le contrôle total, en particulier par le vissage total du système de l’information par le Pouvoir (que quiconque en doute aille se renseigner sur les « Twitter Files », où l’on apprend que c’est la CIA directement qui commanda secrètement la censure des informations « médicales » et scientifiques « non conformes à la doxa » sur l’ex-réseau Twitter), et la dé-crédibilisation des dissidents (opportunément qualifiés de « complotistes » pour clore tout débat). Pour chacune de ces phases, l’important pour le Pouvoir est de désigner des boucs-émissaires, qu’on désigne comme « mauvais citoyens » à l’origine du mal de/dans la cité. C’est là qu’Ariane Bilheran – et ça fait mal – nous rappelle qu’à l’origine du confinement du ghetto de Varsovie, en 1940, comme « zone de contagion », fut justement une… épidémie de typhus, les juifs étant alors qualifiés d’être « impurs » et dangereux pour la communauté de l’époque. Inutile d’insister sur les lois d’exception qui suivirent…

 

L’expérience spirituelle en temps totalitaire

On le sait, la langue est fortement attaquée pendant tout phénomène totalitaire (Ariane Bilheran insiste beaucoup sur l’importance capitale du livre de témoignage de Viktor Klemperer L.T.I. (La langue du IIIe Reich) ; mais l’on peut aussi relire 1984 de George Orwell pour s’en convaincre facilement), les mots étant renversés de leur sens initial et jusqu’alors communément admis (que l’on pense seulement à l’oxymore que constitua l’expression « distanciation sociale », ou bien à la non moins aberrante expression, reprise par presque tous, « je me vaccine pour protéger les autres »). « La langue est à la fois symptôme et origine de la contagion délirante dans le phénomène totalitaire » : la tâche de l’écrivain, et du penseur, est alors d’écrire, de témoigner, pour révéler le tout à la société, quand l’hystérie collective sera passée, et que ladite société sera en mesure d’écouter : « Remettre les mots à l’endroit est une entreprise de décontamination psychique de la novlangue qui a besoin d’une cure thermale. »

C’est alors que la philosophe de la Pesanteur et la Grâce, Simone Weil, est convoquée, pour en appeler à la désobéissance civile quand nécessaire (car « une nourriture indispensable à l’âme humaine est la liberté. La liberté, au sens concret du mot, consiste dans une possibilité de choix. Il s’agit bien entendu, d’une possibilité réelle »), puis la figure tutélaire d’Antigone (venue donner une sépulture à son frère Polynice, fût-il devenu ennemi de la cité), et enfin, pour conclure, la figure traditionnelle de la charité, saint François d’Assise : « Il est parti à la rencontre des lépreux, dans une dimension sacrificielle, au sens où ce qui était important était de faire prévaloir le lien humain sur la possible contamination. Il était essentiel de témoigner de l’amour entre des êtres humains, aux antipodes de la haine totalitaire et de la préservation de sa petite personne ». Amor omnia[1]

 

 

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1. Paroles entendues, en guise de testament, dans la bouche de l’héroïne à la toute fin du chef-d’œuvre final du grand cinéaste danois Carl Theodor Dreyer, Gertrud.

 

Ce texte est dabord paru dans la revue Liberté politique n°99 de mars 2024

 

 

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