dimanche, 03 novembre 2024
Naissance schopenhauerienne
Tu viens d’être mis au monde. Tu es l’autre que j’étais. Pourquoi a-t-il fallu que mon âme échouât dans ton petit corps ? Cela s’est fait par précipitation temporelle, par empressement du temps. Maintenant le chant de anges t’est devenu presqu’inaudible, tu n’entends plus que le bavardage des humains, tu ne vois plus que des faces hilares qui se penchent sur toi. Tu sais déjà que le monde est très laid. Parmi ces masques il y a ta mère, ta sœur, ta grand-mère, que tu appelleras « Mémé » (incestueuse Mêmeté) ; mais nul masque du père, il n’y a que des regards femelles qui se posent sur toi, venus du passé le plus reculé de la chair.
Tout est plié à la naissance. Tu es cette feuille froissée jetée dans la poubelle du monde. Son défroissement est l’angoisse qui t’étreint. Naître t’a plongé dans une solitude pire qu’une mort. Enterré dans la chair, tu sens poindre le vouloir-vivre qui t'enchaîne.
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