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dimanche, 20 avril 2008

Surprise au Louvre

par Boris Lejeune

 

   Le musée du Louvre poursuit sa politique acharnée en faveur de l'art contemporain et donne carte blanche en 2008 à Jan Fabre. 
Dans les salles consacrées aux peintures des écoles du Nord, le visiteur est invité à redécouvrir les chefs-d' oeuvre de Van Eyck, Van der Weyden, Bosch, Metsys ou Rubens à travers le regard de cet artiste contemporain belge.
 
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      Au début des années vingt du siècle dernier, l'art nouveau-né, nommé plus tard « avant-garde », appelait à la destruction des musées, lieux du passé détesté. Vladimir Maïakovski proclamait des marches de l'agittrain (train qui parcourait la Russie dans un but d'agitation politique) au pauvre peuple qui n'y comprenait rien, hébété par des bouleversements sans précédents :
Cribler de balles le temps
aux murs des musées...
Mais Pouchkine est intouchable ?       
Kirillov, un autre Vladimir, lançait cet appel :
Au nom de nos lendemains – brûlons Raphaël,
Détruisons les musées, piétinons les fleurs de l'art.
Et Marinetti en Italie :
Cracher tous les jours sur l'autel de l'art.  
     Ceci se produit encore de nos jours mais sous une autre forme. Maintenant, il n'est plus question de « lendemains ». Place à la stratégie conceptuelle, place à la modestie. C'est pourquoi Jan Fabre s'est représenté en ver de terre, mais tout de même « le plus grand du monde » ! (Autoportrait en plus grand ver du monde). Ce plasticien d'avant-garde s'enorgueillit de disposer pour lui seul de beaucoup d'espace au Louvre parmi les magnifiques tableaux de l'École du Nord. Memling, Bosch, Rembrandt... Plus de quarante productions ont été introduites dans les salles du musée. Un assortiment d'objets illustrant des concepts, des opinions qui courent non pas les rues (pour paraphraser Heidegger ), maintenant la rue a d'autres préoccupations, mais les pages glacées de revues éditées en toute hâte, écrites sans grande  intelligence dans un vulgaire galimatias philosophico-mystique et pseudo-scientifique.
     L'intention de cette confrontation est de montrer que les thèmes sont les mêmes que ceux des maîtres du passé, rien ne change (!). Voici « Les messagers de la mort décapités » – sept têtes de chouettes décapitées soigneusement disposées sur une table et dont les yeux sont de véritables prothèses en  verre. Le titre indique qu'il est question de la mort. Sur le site du Musée du Louvre on trouve le mode d'emploi qui explique que les têtes de chouettes font allusion à la Cène et en même temps aux chevaliers de la Table Ronde. Le regard s'arrête  sur un agneau doré. Ce qu'incarne cet agneau ne laisse pas de doute, mais il a sur la tête un chapeau de clown. D'après la notice, ce chapeau « suggère la possibilité d'une métamorphose ». De résurrection ? Mais non, c'est ce même désir de souiller ce que Memling a chanté avec tant de force !
     L'idée de l'exposition est la confrontation, le dialogue (serait-ce la même chose ? )  entre les maîtres du passé et les représentants de l'« Art Contemporain ». Ici, ce serait plutôt une conversation entre le Sphinx  et le touriste d'un club de vacances. Car chacun de ces peintres qui sont exposés sur les murs du musée, jusqu'au plus « petit », apparaît comme un maître de l'IMAGE, tandis que chaque objet exposé de Fabre, du point de vue de Rubens (par exemple !) ne sera qu'un amas informe. D'ailleurs, s'il n'est pas informé de l'histoire qui l'explique, le spectateur n'y comprendra rien. Hélas, l'amour de Jan Fabre pour la botanique et la zoologie, peut-être tout à fait sincère, ne suffit pas pour maîtriser la forme artistique. « L'art contemporain » est le seul à prendre un épouvantail à moineaux bien rembourré pour une sculpture. On peut danser autour, saigner, uriner, transpirer, prononcer des discours. Tout cela amusera le système médiatique vorace, certains snobs des sphères financières ou  culturelles puis...  disparaîtra dans le ventre de cette société de consommation qui se dévore elle-même. L'un des pères  de l'actuel « Art Contemporain », une sorte de Lénine culturel, Marcel Duchamp méprisait la représentation artistique qu'il considérait comme le reflet d'une trace sur la rétine. On dirait que le monde présenté par ses continuateurs, dont Jan Fabre est un exemple, ressemble à la « vision » d'un œil de verre sans vie.